Pas de mort douce dans un abattoir quel qu’il soit !

Vivre en Harmonie

Décembre 2015

POINT DE VUE

Pas de mort douce dans un abattoir quel qu’il soit !

par Jean-Louis Schmitt

Suite à la diffusion par les médias des images insoutenables tournées en caméra cachée par l’Association L214 (1) dans l’abattoir d’Alès, l’opinion publique semble avoir enfin pris conscience de ce qu’il se passe derrière les grilles et murs particulièrement opaques de ces établissements de mort ! Voilà donc une salutaire piqûre de rappel sur des pratiques scandaleuses certes mais, hélas, non moins habituelles et terriblement, effroyablement banalisées !
Inutile par ailleurs de se voiler la face : Alès est un exemple ! Assurément, de tels actes ont lieu dans tous les abattoirs tout simplement parce que jamais aucune mort n’y est et n’y sera douce…

Mettre le public et plus particulièrement les consommateurs de produits carnés devant leurs responsabilités est certainement capital : en effet, il importe que chacun sache ce que son comportement et ses habitudes alimentaires impliquent en souffrance et, souvent aussi, en cruauté parfaitement inutile !
L’abattoir, ultime étape de ce gigantesque et monstrueux carnage, constitue bien évidemment la phase la plus spectaculaire –et, il est vrai, la plus choquante aussi– de cette filière impitoyable qui exploite des milliards de bêtes ! Avoir conscience de cela est déjà un formidable progrès… Pour autant, le public souhaite-t-il réellement connaître la vérité ?
Rien n’est moins sûr ! S’il est manifeste que les images « choc » de L214 dérangent, remettent en cause l’implication de chacun et remuent des consciences, il n’en est pas moins vrai par ailleurs que le plus grand nombre –celui qui justement se gave indifféremment de bidoche…– se fiche de la condition animale comme d’une guigne ! À croire que, ceux-là, rien, décidément, ne peut les atteindre et encore moins les émouvoir…
Cette insensibilité révoltante a pour conséquence les comportements abjects que l’on retrouve dans le traitement des animaux à l’abattoir de la même manière qu’elle légitimait les brutalités et les crimes exercés envers ceux qui, dans les camps de concentration, étaient considérés comme des « sous-hommes » ! Ici, dans les usines de mort que sont les abattoirs, les bêtes ne sont déjà plus des êtres vivants capables de ressentir des émotions, de la souffrance, de l’angoisse, de la terreur… mais, de « simples » machines produisant de la viande…

L’industrialisation de ces mises à mort contribue grandement à cette désincarnation : ces abattages journaliers et massif de milliers –que dis-je : de millions !– d’animaux, cette évolution vers un travail « à la chaîne », est remarquablement décrit dans « Un éternel Treblinka » de Charles Patterson (historien spécialiste de la Shoah) qui retrace dans cet ouvrage culte le rapport entre les humains et les animaux depuis les débuts de notre espèce et soutient la thèse selon laquelle l’oppression des animaux sert de modèle à toute forme d’oppression…

Même si, comme le dit Charles Patterson, « l’enjeu du meurtre est très, très, différent », il explique que « ce qui est semblable, c’est le mécanisme qui fait mourir un nombre énorme de gens innocents. Soit dans les camps de concentration en Pologne, soit avec l’abattage industriel des animaux aux États-Unis ou n’importe où ailleurs, les processus sont pareils : blesser les êtres faibles, les abaisser, tuer les jeunes… C’était difficile pour les meurtriers de tuer les enfants, j’ai écrit surtout là-dessus, sur les méthodes, les raisons pour lesquelles les victimes étaient tuées dans les deux cas : les Juifs parce qu’ils étaient juifs et les animaux pour être mangés. Ils sont tués parce qu’ils sont des animaux, on ne mange pas les êtres humains, les Allemands ne mangeaient pas les Juifs qu’ils tuaient. Donc il y a des raisons fondamentalement différentes, mais le principe commun, c’est la capacité de faire tout ce qu’on veut aux plus faibles, qu’ils soient des animaux, des Juifs, des femmes, des esclaves »
Selon Patterson l’extermination des Juifs et l’abattage des animaux fonctionneraient donc sur le même modèle. « Ça commence avec les animaux, ça se termine avec les êtres humains. Ce que nous faisons aux animaux et que la société accepte, cela nous donne la mauvaise habitude de vouloir exploiter les faibles, et malheureusement, quand des humains se retrouvent en position de faiblesse, des réfugiés, des minorités persécutées, on les appelle des animaux et on les traite comme des animaux. » (2).

Ce que dénonce L214 avec ses images, d’autres s’y sont aussi déjà frottés ! Ainsi Anne de Loisy, journaliste, qui avait enquêté en 2012 sur les abattoirs pour l’émission Envoyé spécial. Elle en a tiré « Bon appétit ! Quand l’industrie de la viande nous mène en barquette » (3), un livre très documenté sur la filière de la viande, des éleveurs jusqu’aux consommateurs.

Son témoignage est, lui aussi, terrifiant ! Elle raconte « Je ne me rendais pas compte à quel point l’industrialisation de la viande était en marche. A tous les niveaux. Les élevages de 40 000 volailles, de milliers de cochons, de centaines de bovins… On est loin des images de vaches dans les prés qu’on vend au consommateur. Mais le plus impressionnant, c’est l’industrialisation de l’abattage. Faire passer un animal de vie à trépas, c’est forcément un peu gore. Mais l’industrialisation de cette étape-là est extrêmement violente : les bêtes sont abattues à une telle cadence qu’elles sont encore vivantes au moment où on les tronçonne. En plus, ce sont des conditions extrêmement compliquées pour les ouvriers des abattoirs, qui travaillent dans le froid, le sang, les odeurs… » (4).

Tout aussi édifiant, le livre « Bidoche (L’industrie de la viande menace le monde) » de Fabrice Nicolino.

Alors que l’on semble découvrir les possibles dangers liés à la consommation de viande suite au résultat d’une enquête de l’OMS, via le CIRC, qui vient de classer la charcuterie parmi les cancérogènes avérés et la viande rouge parmi les cancérogènes probables, le journaliste quant à lui dénonçait déjà en 2009 que les risques étaient bien réels ! L’ennui, c’est qu’on n’entend que ce que l’on veut bien entendre et que l’on passe bien vite à autre chose, si possible de moins anxiogène…

Dans les faits, après tout : qu’importe si la consommation de viande est cancérigène ? Au fond, chacun est libre de s’intoxiquer comme il le souhaite… À condition toutefois que cela ne se fasse pas au détriment d’autrui ! Et « autrui », en l’occurrence, ce sont ces quantités invraisemblables d’animaux que l’on sacrifie sur l’autel de la « bouffe » en invoquant au passage mille arguments fallacieux et malhonnêtes pour se défausser et échapper à ses responsabilités !

Cela, en revanche, est intolérable et condamnable : fermer les yeux et pratiquer la politique de l’autruche, c’est contribuer de manière implicite au grand massacre et se rendre tout aussi coupable que les exécutants de ces basses besognes eux-mêmes !

  1. L214 c/o Locaux Motiv’ 10 bis Rue Jangot 69007 Lyon France  http://www.l214.com/
  2. Extrait d’une émission de France Culture consacrée à Un éternel Treblinka de Charles Patterson (8 février 2008). Retranscription complète de l’émission en question sur le site de L214 [ http://www.l214.com/france-culture-eternel-treblinka2/2 ]

Fin de citation de l’article de Jean-Louis Schmitt.


« Si les abattoirs avaient des murs en verre, tout le monde serait végétarien ». Paul McCartney.
« Rien ne peut augmenter les chances de survie de la vie sur terre autant que le végétarisme ». Albert Einstein.

Voir aussi :

http://credopigeons.fr/2014/01/16/compte-rendu-colloque-deshumaniser-desanimaliser-abattoir-viande-in-vitro-strasbourg/

http://credopigeons.fr/2015/12/14/sacrifice-animaux-fetes-fin-annee/

http://credopigeons.fr/2013/05/24/loi-europeenne-videosurveillance-abattoirs-et-documentation/

http://credopigeons.fr/2012/12/21/face-cachee-viande/

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